En théorie (du moins d’après les lobbys eux-mêmes), le gouvernement a besoin des lobbys parce qu’il faut avoir toutes les informations et toutes les opinions avant de prendre une décision. Donc, avoir des lobbys indépendants qui représentent les intérêts de nombreuses parties est une condition fondamentale pour la démocratie. Le problème, pourtant, c’est en réalité les lobbys ne sont ni indépendants ni représentatifs des citoyens.
La National Rifle Association (NRA), l’un des plus grands et plus puissants lobbys aux Etats-Unis, illustre clairement comment ce système fonctionne en réalité. Au début, elle était juste une association modeste de chasseurs et d’amateurs de tir sportif. Mais, elle s’est radicalisée pendant les années 1960 quand le gouvernement a tenté de réguler le commerce des armes. Craignant que ce soit le premier pas vers une interdiction absolue des armes, la NRA est parvenue à se politiser et à convaincre les Américains que le port d’armes est un droit fondamental qui est garanti par les pères fondateurs même si en réalité, dans le deuxième amendement de la Constitution, le droit est donné aux milices de se défendre au cas où une nouvelle guerre éclaterait. Comme il n’y a rien de tel qu’un droit défendu par les pères fondateurs, en faisant ainsi, la NRA est arrivée à se légitimer et à obtenir un large soutien populaire. Par conséquent, de nombreux américains considèrent aujourd’hui que toute tentative de régulation du port d’armes est une menace et une atteinte à un droit fondamental.
Mais l’ambition de la NRA ne s’arrête pas là. Maintenant qu’elle a gagné le soutien de la majorité des Américains, elle est déterminée à obtenir la même influence sur le gouvernement. Grâce à sa popularité et, plus concrètement, aux millions de dollars qui sont versés aux campagnes, comme celle de Donald Trump, le parti républicain est sans doute et sans gêne pro-armes. A cause de son pouvoir, même les démocrates prennent soin d’éviter de l’attaquer frontalement. Comme toujours, les valeurs de la démocratie passent au second plan face au capitalisme au détriment du peuple. Littéralement.
Aujourd’hui, des fusillades rythment la vie quotidienne américaine. Selon cet article, entre le début de 2018 et le mois de mai, il ne s’est pas passé plus de quatre jours sans victime de fusillades de masse, parmi lesquelles les deux plus meurtrières ont été celles à Parkland, Floride et à Santa Fe, Texas. Comme à chaque fois, après une fusillade, des voix s’élèvent pour la régulation des armes. Mais aussi comme à chaque fois, ces appels restent lettre morte. Grâce à la NRA, l’administration Trump n’a rien dit sauf des « pensées et prières ». Face à un gouvernement qui est décidément devenu la marionnette de la NRA, logiquement, les citoyens prennent l’affaire en main. A travers le pays, on a assisté à une croissance des manifestations, et parmi elles, beaucoup ont été organisées par les jeunes lycéens qui sont eux-mêmes les victimes. En les voyant se défendre contre les grands élus, ça m’a donné à la fois de la joie et de la tristesse. Face aux nombreuses manifestations, la NRA a joué à la victime sans gêne et a en retour dénoncé la « politisation de la tragédie ». En plus, elle s’est défendue en raisonnant que si les victimes avaient aussi possédé des armes, les tueries n’auraient jamais eu lieu. Quelle honte. On est réduit à combattre la violence par la violence. En tant que lobby, la NRA a réussi à réduire les politiques américains à une farce. C’est ça, le pouvoir des lobbys.